J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015
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EX VOTO GREG

Semaine 1  Année XXIIII -  Jeudi 4 Janvier

 

L'entame des jours : chaque jour qui déborde de choses vécues qui s'accumulent et se bousculent.  Une fois les circonstances dépassées, c'est la hauteur des vagues d'émotion qui reste à contempler. Tout se passe hors les mots jusqu'à ce que je trouve la voix qui convient, la phrase adéquate pour ne pas en faire trop ni pas assez. Je rature facilement mais c'est l'oubli qui efface le mieux ce qui n'est pas contenu. L'écriture est une affaire de contenant et de contenu. L'écriture enfle et perd son souffle en un rien de temps. L'écriture est un tensiomètre avec sa maxima et sa minima. Ces dix derniers jours ont été sans pause pour l'écriture telle que j'aime la pratiquer. L'écriture est un élan qui a ses causes, précises et incisives. Lire les autres me le confirme en permanence.

Qu'est-ce qu'un cadeau filial si bien ciblé,  comme celui-ci : un ex-voto si léger, ou celui-là : un double livre si lourd Varda par Varda  (1954-2019) aux éditions de la Martinière, dans ma vie de mère ? Je ne vais pas répondre ici, ce serait trop long. Je garde l'émotion comme un parfum sacré.

 

 

VARDA PAR AGNES

Réunir ce bout de famille qu'on a créé par amour est un privilège. Je photographie souvent les présences, les gestes à la sauvette, il me faut garder quelque chose de ces instants de vie même si ceux ou celles qui jettent systématiquement les souvenirs ne comprennent pas ce désir profond. Il ne reste plus beaucoup d'occasions ni d'envie de rassembler les gens qu'on aime. La pandémie nous a sevrés de la promiscuité et ce qui la remplace est peau de chagrin sur des écrans tactiles. On le sait depuis longtemps : l'émotion virtuelle est désincarnée. Retrouver pour les fêtes de fin d'année la chaleur humaine naturelle m'a fait un bien fou. Peu importe la légéreté des propos et la brièveté des contacts. L'essentiel de nos sentiments s'est ancré dans ces retrouvailles complètes. 

 

La tristesse est pourtant là, en filigrane dans mes pensées perpétuelles pour  ma  chère J.qui se meurt dans un décor hospitalier qu'elle a fini par réclamer sans pour autant avoir accepté de protocole oncologique.  Elle ne peut plus manger... Combien de temps va durer son calvaire moral et physique ?  Ne pas pouvoir l'entendre et lui parler est une épreuve de plus. Je n'ose plus lui écrire en sachant que ça ne la sauve pas. J'irai la voir, dès que possible. Sans doute pour lui dire aurevoir et surtout merci... Sa vie et notre enfance villageoise sont intimement liées...

 

20240103_133040[1]Roanne devant le crématorium 3 Janvier 2024

 

La mort soudaine du poète et philosophe humaniste Roger DEXTRE  ce samedi 30 Décembre, a clôturé l'année 2023 de manière cinglante. Qu'est-ce que la mort d'un poète sinon la disparition d'une voix et d'une écriture en "puissance" qui nous manquent déjà ? Le choix d'un rite crématoire nous a rendu les hommages plus  frustrants en raison du timing serré des offiçiants attitrés et de l'exiguïté des locaux. A Roanne hier nous étions pourtant nombreuses et nombreux à entourer cet homme qui a su aimer et être aimé.  J'attends avec impatience l'organisation de l'hommage poétique qui lui a été promis hier, à plus vaste audience par l'Association DANS TOUS LES SENS, et son éditeur principal LA RUMEUR LIBRE.

En attendant je m'immerge dans ses poèmes avec un sentiment de retard devenu bienvenu. Il n'y a de vraie rencontre finalement que dans la lecture silencieuse exonérée des remerciements toujours impudiques. Voici l'un de ses poèmes tiré du recueil  Le jour qui revient, publié en 2021 à la Rumeur libre. A noter qu'un nouveau livre reste à paraître en ce début d'année. Nous l'accueillerons avec tendresse.

 

LAISSER

 

Laisser la nuit

secouer l'ample espace

et ce qui de nos rêves s’échappe.

 

Un rideau

à l’instant soulevé,

retombé sur rien aussitôt.

 

Laisser La nuit

sur le rivage

étale de nos jours

comme dans nos corps

battre les rythmes du cœur

et ceux de la respiration.

 

Ils ne s’adressent en nous

bonjour ni bonsoir,

surgissant , retenus,

dessinant des courants

qui nous amènent et nous emportent.

 

Nous ne savons pas

capables de comprendre

leur naissance, l’étrangeté,

la liberté qu’ils recèlent

aux plis lumineux de leurs sursauts

et des rumeurs qui les accompagnent.

 

Grâce au sommeil

je laisse leurs voix

tenter la pensée,

la devenir.

 

Alors serait le grand calme,

l’apaisement

que vienne insolent à nos pieds

un océan pour nous seuls

à jamais amical.

 

Qu’un vent de signes fugitifs

nous aborde

dans le contrepoint

essoufflé et maladroit

que nous sommes en vérité,

nos joues rouges

comme celles des enfants

et des anges.

 

 

L’inattention nous allège

permet des chantonnements,

nous ne savons

comme ils en viennent

à notre tête, à nos pieds, à notre voix.

 

Si l’immensité ne la casse,

l’œuvre de la nuit, intacte,

dure sans notre part

tout le temps qu’il lui faut.

 

Mon lit

a formé cette croyance

pour conjurer

les cauchemars.

 

 

 

Roger DEXTRE, Le jour qui revient, p.87-89

La rumeur libre 2021

 

 

 

                        

 

 

 

 

 

 

 


 

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