ETATS DES YEUX | Janvier 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 01
jeudi 04 janvier 2024
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Semaine 1 Année XXIIII - Jeudi 4 Janvier
L'entame des jours : chaque jour qui déborde de choses vécues qui s'accumulent et se bousculent. Une fois les circonstances dépassées, c'est la hauteur des vagues d'émotion qui reste à contempler. Tout se passe hors les mots jusqu'à ce que je trouve la voix qui convient, la phrase adéquate pour ne pas en faire trop ni pas assez. Je rature facilement mais c'est l'oubli qui efface le mieux ce qui n'est pas contenu. L'écriture est une affaire de contenant et de contenu. L'écriture enfle et perd son souffle en un rien de temps. L'écriture est un tensiomètre avec sa maxima et sa minima. Ces dix derniers jours ont été sans pause pour l'écriture telle que j'aime la pratiquer. L'écriture est un élan qui a ses causes, précises et incisives. Lire les autres me le confirme en permanence.
Qu'est-ce qu'un cadeau filial si bien ciblé, comme celui-ci : un ex-voto si léger, ou celui-là : un double livre si lourd Varda par Varda (1954-2019) aux éditions de la Martinière, dans ma vie de mère ? Je ne vais pas répondre ici, ce serait trop long. Je garde l'émotion comme un parfum sacré.
Réunir ce bout de famille qu'on a créé par amour est un privilège. Je photographie souvent les présences, les gestes à la sauvette, il me faut garder quelque chose de ces instants de vie même si ceux ou celles qui jettent systématiquement les souvenirs ne comprennent pas ce désir profond. Il ne reste plus beaucoup d'occasions ni d'envie de rassembler les gens qu'on aime. La pandémie nous a sevrés de la promiscuité et ce qui la remplace est peau de chagrin sur des écrans tactiles. On le sait depuis longtemps : l'émotion virtuelle est désincarnée. Retrouver pour les fêtes de fin d'année la chaleur humaine naturelle m'a fait un bien fou. Peu importe la légéreté des propos et la brièveté des contacts. L'essentiel de nos sentiments s'est ancré dans ces retrouvailles complètes.
La tristesse est pourtant là, en filigrane dans mes pensées perpétuelles pour ma chère J.qui se meurt dans un décor hospitalier qu'elle a fini par réclamer sans pour autant avoir accepté de protocole oncologique. Elle ne peut plus manger... Combien de temps va durer son calvaire moral et physique ? Ne pas pouvoir l'entendre et lui parler est une épreuve de plus. Je n'ose plus lui écrire en sachant que ça ne la sauve pas. J'irai la voir, dès que possible. Sans doute pour lui dire aurevoir et surtout merci... Sa vie et notre enfance villageoise sont intimement liées...
Roanne devant le crématorium 3 Janvier 2024
La mort soudaine du poète et philosophe humaniste Roger DEXTRE ce samedi 30 Décembre, a clôturé l'année 2023 de manière cinglante. Qu'est-ce que la mort d'un poète sinon la disparition d'une voix et d'une écriture en "puissance" qui nous manquent déjà ? Le choix d'un rite crématoire nous a rendu les hommages plus frustrants en raison du timing serré des offiçiants attitrés et de l'exiguïté des locaux. A Roanne hier nous étions pourtant nombreuses et nombreux à entourer cet homme qui a su aimer et être aimé. J'attends avec impatience l'organisation de l'hommage poétique qui lui a été promis hier, à plus vaste audience par l'Association DANS TOUS LES SENS, et son éditeur principal LA RUMEUR LIBRE.
En attendant je m'immerge dans ses poèmes avec un sentiment de retard devenu bienvenu. Il n'y a de vraie rencontre finalement que dans la lecture silencieuse exonérée des remerciements toujours impudiques. Voici l'un de ses poèmes tiré du recueil Le jour qui revient, publié en 2021 à la Rumeur libre. A noter qu'un nouveau livre reste à paraître en ce début d'année. Nous l'accueillerons avec tendresse.
LAISSER
Laisser la nuit
secouer l'ample espace
et ce qui de nos rêves s’échappe.
Un rideau
à l’instant soulevé,
retombé sur rien aussitôt.
Laisser La nuit
sur le rivage
étale de nos jours
comme dans nos corps
battre les rythmes du cœur
et ceux de la respiration.
Ils ne s’adressent en nous
bonjour ni bonsoir,
surgissant , retenus,
dessinant des courants
qui nous amènent et nous emportent.
Nous ne savons pas
capables de comprendre
leur naissance, l’étrangeté,
la liberté qu’ils recèlent
aux plis lumineux de leurs sursauts
et des rumeurs qui les accompagnent.
Grâce au sommeil
je laisse leurs voix
tenter la pensée,
la devenir.
Alors serait le grand calme,
l’apaisement
que vienne insolent à nos pieds
un océan pour nous seuls
à jamais amical.
Qu’un vent de signes fugitifs
nous aborde
dans le contrepoint
essoufflé et maladroit
que nous sommes en vérité,
nos joues rouges
comme celles des enfants
et des anges.
L’inattention nous allège
permet des chantonnements,
nous ne savons
comme ils en viennent
à notre tête, à nos pieds, à notre voix.
Si l’immensité ne la casse,
l’œuvre de la nuit, intacte,
dure sans notre part
tout le temps qu’il lui faut.
Mon lit
a formé cette croyance
pour conjurer
les cauchemars.
Roger DEXTRE, Le jour qui revient, p.87-89
La rumeur libre 2021
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